La diaspora, une richesse oubliée de la RDC

La diaspora congolaise, forte de millions de personnes à travers le monde, reste un atout largement sous-exploité pour le développement de la République Démocratique du Congo. Malgré une contribution économique significative, des liens fragiles avec l’État et une absence de structuration freinent son impact potentiel. Ce constat soulève une question cruciale : comment mobiliser cette diaspora pour qu’elle devienne un moteur de croissance et de progrès pour la RDC ? Une analyse de LITSANI CHOUKRAN.

La diaspora congolaise est vaste. Elle compte plusieurs millions de personnes éparpillées dans le monde entier. Un potentiel énorme. Pourtant, ce levier reste largement sous-exploité par la République Démocratique du Congo. Les liens entre les Congolais de l’étranger et les institutions du pays sont presque brisés. Une rupture profonde. Résultat : la diaspora peine à contribuer pleinement au développement économique, social et politique du pays. Pourtant, les exemples d’autres pays montrent que la diaspora peut être un véritable moteur de transformation.

Rupture entre la diaspora et l’État

L’histoire récente du Congo explique cette rupture. Beaucoup de Congolais ont fui la répression politique, l’instabilité ou la guerre. Une grande partie de la diaspora est composée de demandeurs d’asile. Le phénomène est connu sous le nom de « Ngounda ». Ces Congolais ont souvent quitté le pays en fuyant des régimes, de Mobutu à Tshisekedi, et surtout celui de Joseph Kabila. Mais il ne faut pas se tromper : la majorité de ces exilés sont des migrants économiques. Pour obtenir l’asile, ils adoptent un discours répressif. Cela renforce leur position d’opposition systématique au pouvoir de Kinshasa, sans réelles divergences idéologiques.

Ce qui accentue la fracture, c’est l’absence de soutien institutionnel. Les ambassades et consulats congolais, censés représenter l’État à l’étranger, sont souvent inefficaces. Les Congolais de l’étranger se plaignent du manque d’assistance administrative et du peu de services fournis. Pas d’aide, pas de soutien. Une vraie coupure. Les institutions sont absentes et la confiance est perdue.

Le poids économique de la diaspora

Malgré tout, la diaspora reste un acteur clé de l’économie congolaise. Chaque année, des milliards de dollars sont envoyés au pays. En 2020, selon la Banque mondiale, la diaspora congolaise a envoyé environ 1,8 milliard de dollars au pays, soit près de 16,82% du budget annuel. C’est une somme énorme, une bouffée d’air pour de nombreuses familles. Mais ces transferts ne sont pas structurés. Ils sont dispersés et servent principalement à des besoins de base : nourriture, éducation, santé, logement. Cela manque de stratégie.

Comparons cela à d’autres pays. L’Inde, par exemple, a su organiser ses transferts de fonds. En 2021, la diaspora indienne a envoyé 87 milliards de dollars. Une grande partie de cet argent a été réinvestie dans des projets d’infrastructure, des start-ups, et le développement rural. Une stratégie nationale a permis de canaliser ces fonds vers des secteurs porteurs. Résultat ? Un impact réel sur l’économie du pays.

L’Éthiopie, elle aussi, montre l’exemple. Le gouvernement a réussi à mobiliser sa diaspora pour des projets de grande envergure, comme le barrage de la Renaissance. En mettant en place des incitations fiscales et des politiques favorables, Addis-Abeba a encouragé sa diaspora à investir dans des projets nationaux. La RDC pourrait s’inspirer de ces modèles.

Le potentiel de transfert de compétences

Mais ce n’est pas qu’une question d’argent. La diaspora congolaise possède des compétences précieuses. Médecins, ingénieurs, enseignants, scientifiques. Ils sont nombreux à exceller dans leurs domaines à l’étranger. En Afrique du Sud, en Europe, au Canada, les Congolais contribuent à des secteurs essentiels. Pourtant, ce savoir-faire est peu utilisé pour le développement de la RDC.

Regardons l’Égypte. Le pays a mis en place des programmes pour attirer ses talents de l’étranger. Résultat : les Égyptiens formés à l’étranger ont créé des entreprises locales et modernisé l’économie, notamment dans les secteurs des télécommunications et des services financiers. La RDC peut faire de même. Depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, des membres de la diaspora sont revenus. Mais les retours sont rares et parfois ternis par des scandales de corruption. Il faut un cadre transparent. Il faut des programmes de retour temporaire, des incitations claires pour encourager les talents congolais à contribuer.

Le mouvement des « Combattants » : un manque de structuration économique

Du côté de la diaspora congolaise, le manque de structuration et d’organisation est également un problème. Prenons l’exemple des « Combattants ». Ce mouvement radicalisé est né au Royaume-Uni en 2006, avant de s’étendre en France à partir de 2009. Aujourd’hui, on le retrouve en Belgique et dans plusieurs pays d’Europe occidentale, partout où la diaspora congolaise est présente. En France, on estime à environ une centaine le nombre de ces activistes.

Ces « Combattants » sont farouchement opposés à l’ancien président Joseph Kabila. Certains soutiennent l’opposant Martin Fayulu. D’autres estiment que l’élection de Félix Tshisekedi n’a rien changé aux problèmes structurels de la RDC. Ils militent pour une nouvelle république, et leurs actions sont souvent bruyantes et virulentes. Pourtant, s’ils se structurent bien en tant que force politique, ils ne font pas de même pour devenir une force économique. Ce manque de structuration dans le domaine économique limite aussi l’apport de la diaspora. Il est important de combler cette lacune pour que ces acteurs puissent participer de manière productive au développement du pays.

La diaspora, un levier diplomatique

La diaspora congolaise ne se limite pas à l’économie. Elle peut aussi jouer un rôle clé sur la scène internationale. En France, le député Carlos Martens Bilongo, d’origine congolaise, a récemment pris la parole pour défendre la RDC contre l’agression rwandaise. C’est un exemple fort. La diaspora peut devenir un acteur influent dans la diplomatie congolaise.

D’autres pays l’ont compris. L’Irlande a investi dans la création d’un ministère dédié à sa diaspora. Ce ministère renforce les liens avec les expatriés et fait de l’Irlande une voix forte sur la scène internationale. La RDC devrait s’en inspirer. Une institution dédiée à la diaspora permettrait de reconstruire des ponts entre l’État et ses citoyens expatriés.

Un modèle de développement à bâtir

Pour exploiter pleinement le potentiel de la diaspora congolaise, il faut un plan structuré. Quelques pistes :

  1. Créer une institution dédiée à la diaspora : Une structure formelle pour offrir des services juridiques et administratifs à l’étranger. Elle faciliterait aussi l’investissement en simplifiant les démarches fiscales et juridiques.
  2. Encourager l’investissement productif : La diaspora peut jouer un rôle clé dans des secteurs comme l’infrastructure, l’agriculture ou l’énergie. Des projets d’envergure nationale pourraient mobiliser les Congolais de l’étranger.
  3. Valoriser le transfert de compétences : Créer des programmes de retour temporaire pour les professionnels qualifiés de la diaspora. Cela renforcerait les capacités locales dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation ou la technologie.
  4. Mobiliser la diaspora dans la diplomatie : Offrir à la diaspora une représentation formelle sur la scène internationale et permettre aux Congolais de l’étranger de participer activement aux affaires du pays.

La diaspora congolaise est une mine d’or sous-exploitée. Avec ses compétences, ses ressources financières, et son réseau international, elle pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de la RDC. Mais pour cela, il faut rétablir les liens avec l’État. Il faut structurer les contributions de la diaspora. Si la RDC parvient à mobiliser sa diaspora de manière stratégique, ce levier pourrait devenir un moteur de croissance, d’innovation, et de diplomatie. Il est temps d’agir. Le potentiel est là, immense.

Litsani Choukran.

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